Cet axe souligne l’un des fondamentaux du projet de recherche de MOST qui revendique une posture d’analyse critique et adopte une démarche visant à dénaturaliser les phénomènes organisationnels et marchands contemporains. L’enjeu des recherches menées porte sur le dévoilement des logiques socio-organisationnelles (idéologique, politique, institutionnelle) et des processus de régulation qui fondent les dynamiques de construction sociale des marchés et des organisations. Les travaux de l’équipe MOST interrogent la manière dont les technologies de gestion participent à la construction de la société et défendent l’idée que les outils de gestion ne sont jamais neutres ni objectifs. Ils mettent l’accent sur les aspects humains et politiques au-delà des dimensions techniques des outils et sur les phénomènes d’autorégulation des comportements et des dynamiques sociétales qui peuvent en résulter. Ce faisant ils invitent à questionner la responsabilité du management au-delà de la seule performance économique.
Ce projet peut plus spécifiquement s’incarner par deux dimensions, l’une portant sur les dimensions méthodologiques, l’autre sur la nature des objets de recherche qui seront privilégiés à l’avenir.
Une approche historique, critique et réflexive
Sur le plan méthodologique, les approches historiques du management et de ses outils constituent une ligne directrice forte des travaux menés au sein de MOST. De nouvelles recherches visent à approfondir et préciser celles déjà effectuées pour construire une histoire des outils et des pratiques en interrogeant leur construction. Par exemple, dans le cadre du projet ANR SYSRI-30 [2016-2019] qui regroupe des chercheurs en histoire, économie et gestion et porte sur les bilans bancaires dans l’Entre-deux-Guerres, Pierre Labardin analyse l’histoire des pratiques comptables dans les banques.
Comme le bilan de MOST l’a souligné d’autres expertises méthodologiques sont également développées par les chercheurs de MOST par exemple autour des approches discursives, comme l’illustrent les travaux d’Antoine Blanc ou de Guillaume Johnson, ou des techniques de traitement et d’analyse des données mixtes (quali/quanti) comme la méthode QCA. Colette Depeyre explore également aujourd’hui des techniques d’aspiration de données web longitudinales.
L’épistémologie et les méthodologies spécifiques aux approches critiques (réflexivité, engagement du chercheur, axiologie de la recherche, auto-ethnographie…) font également l’objet d’une réflexion approfondie. Par exemple, dans le prolongement du programme ANR ABRIR, Stéphane Debenedetti et Véronique Perret développent aujourd’hui leurs travaux autour des « Arts Based Methods ». Un projet d’ouvrage collectif « Can Art change Management ? » est en cours d’élaboration et comportera un volet sur les dimensions critiques et réflexives propres à ces approches de recherche.
Technologies de la mesure, du contrôle et outils de régulation
De manière privilégiée, les objets de recherche de MOST interrogent la nature, le rôle et l’impact des technologies managériales et marchandes. Les dimensions historiques, idéologiques et sociales qui s’incarnent dans les outils et dispositifs de management font l’objet d’une attention particulière en ce qu’elles sont des outils de cadrage des raisonnements et des pratiques des acteurs en situation de gestion. Les travaux interrogent la manière dont les technologies de gestion participent à la construction de la société et invitent à questionner la responsabilité du management au-delà de la seule performance économique.
Appliquées aux problématiques centrales de la gouvernance, de l’évaluation, du contrôle ou encore de la performance, les recherches menées se donnent pour objectif de développer et promouvoir des travaux qui questionnent le caractère performatif et les conditions d’efficacité des dispositifs et des technologies de gestion. Par exemple, un programme de recherche impliquant Frédérique Déjean est actuellement en cours sur l’évaluation et le contrôle des risques psycho-sociaux.
Autour des technologies de la mesure, des travaux en comptabilité sur la valeur, le reporting financier et extra-financier ou la normalisation sont aujourd’hui menés. L’hypothèse générique défendue ici est que la comptabilité est essentiellement une discipline socio-politique et que son analyse passe avant tout par l’étude des forces sociales qui la gouvernent. Par exemple les travaux autour des normes proposent de centrer la réflexion sur le constat de la prolifération de normes dans de nombreux domaines (normes comptables, prudentielles, environnementales, sociales, techniques, …). Ils se donnent pour objectif d’identifier et comprendre l’évolution des modes de régulation (acteurs privés/acteurs publics ; soft law ; expertise, …). Par exemple, des travaux de Céline Michaeïlesco s’intéressent aux pratiques des grandes entreprises en matière de communication financière. Il s’agit d’étudier le discours déployé autour de la performance dans les supports tels que les communiqués de presse d’annonce de résultat ou les rapports intégrés (dont la publication se généralise). Les travaux de Frédérique Déjean interrogent quant à eux le rôle de la profession comptable (représentée par ses institutions ordinales) dans l’évolution de la réglementation du reporting ESG (Environnement, Social et Gouvernance). Un partenariat avec la Chaire « Comptabilité Ecologique » portée par Agro Paristech est aujourd’hui en cours d’élaboration.
Autour des technologies du contrôle ce sont les outils de régulation formels (plans, tableaux de bord...) et informels (culture, confiance), les outils de codification (éthique) et les mécanismes de catégorisation qui sont interrogés. Parmi les recherches menées on peut évoquer le projet en cours auquel participe Olivier Charpateau sur la nature et le rôle de la sensibilité éthique des administrateurs de sociétés privées. Ce projet vise à faire le lien entre des connaissances sociologiques sur les administrateurs et les développements récents de modèles de décision éthique. Il s’agit d’une contribution attendue par les organisations de régulation de la gouvernance des entreprises (IFA, APIA, FBN, Medef…) qui tentent depuis une décennie de professionnaliser le rôle d’administrateur. On peut également mentionner les travaux de Guillaume Johnson qui portent sur le rôle de la question raciale comme outil de contrôle normatif dans la dynamique de construction des marchés. Ce projet s’inscrit dans une dynamique internationale et a donné lieu à la création d'un réseau de recherche transdisciplinaire sur la thématique de la « Race dans les Marchés » (Race in the Marketplace – http://www.rimnetwork.net/). Une proposition de session thématique pour la conférence EGOS de 2018 est aujourd’hui envisagée pour accroître la visibilité et le rayonnement de ce programme de recherche au sein de la communauté académique internationale.
Quelques thèses en cours
Clarence Bluntz, De l’utilisation d’outils comptables pour construire et communiquer une valeur environnementale au sein de la relation producteur-consommateur, sous la direction de Frédérique Déjean
Pauline Beau, Dispositifs de gestion et risques psychosociaux. Une étude qualitative des outils de gestion du risque humain dans les organisations, sous la direction de Gwénaëlle Nogatchewsky
Antoine Fabre, Comptabilité pénitentiaire et représentation de la réalité : la quantification en action. Le cas des bagnes de Guyane (1859-1867), sous la direction de Pierre Labardin
Anne Martin, La mise en place des outils de contrôle de gestion dans les services publics : le cas de l’université, sous la direction de Gwénaëlle Nogatchewsky.
Géraldine Paring, Le corps dans la construction identitaire : un narratif autoethnographique, sous la direction d’Isabelle Huault
Cécile Petitgand, Construction et appropriation des discours et outils de gestion au sein des entreprises sociales. Le cas d'une organisation brésilienne du secteur de la mode, sous la direction d’Isabelle Huault